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Nouvelle Covid-19 | Confinés dans un nid douillet

Confinement Covid-19

Récit sous forme de Nouvelle pour un après confinement optimiste. Prenez soin de vous…

Ange, petite mésange, admire le vol nuptial de son prétendant au plumage bleu : Matthieu. Ils s’aiment depuis leur première rencontre sur la branche d’un magnolia en fleurs.

C’est le printemps. La nature s’éveille en ce mois d’avril 2020. L’air s’adoucit. Les bourgeons éclosent. Et les préoccupations des oiseaux deviennent inavouables.

— Ange, je te dis que nous pouvons nous installer dans le chêne de l’école ! Cela fait des années que tu rêves d’y fonder notre nid.

Ange pépie. Son amoureux est devenu fou. La cour de récréation ! Et puis quoi encore ? Certes, un calme olympien y règne depuis plusieurs jours. Même si Ange s’interroge, elle pense que cette situation est temporaire et ne veut prendre aucun risque pour sa progéniture.

— Ce superbe nichoir est très mal placé. Dès le retour des enfants, nous serons dérangés.

— Mais ne t’inquiète pas, mon bel ange, ils ne reviendront pas ! Enfin pas de sitôt ! assure Matthieu en poursuivant sa charmante parade sous le regard énamouré des autres mésanges des environs.

— Pourquoi dis-tu cela ? C’est ridicule. L’école va reprendre !

— N’as-tu pas remarqué que les rues sont désertes ? Les Humains sont partis. Emménageons tout de suite ! supplie Matthieu en saisissant les ailes de sa belle.

Ange réfléchit. Partis ? Pour aller où ?

Soudain, Paulette, la chouette, se pose dans un froufrou de plumes non loin de nos tourtereaux. Ce n’est pas dans ses manières de venir causer de si bon matin, mais une fois n’est pas coutume.

Chouette
La chouette Paulette a une vision précise de ce qui se passe…

— Matthieu a raison. Les humains ne sortent plus. Ils restent chez eux, tous sans exception, même les plus fêtards. Je le sais, car je les observe tous les soirs. La famille dont j’occupe le vieil arbre a modifié ses habitudes. Les enfants ne jouent plus que dans le jardin. J’ai d’abord cru qu’ils étaient en vacances, mais cela dure depuis trop longtemps maintenant. Depuis peu, les parents ne se rendent plus à leur travail.

Ange écarquille ses grands yeux et ses ailes bruissent du tremblement qui la saisit. Elle n’arrive pas à l’expliquer, mais la perspective que les humains se calfeutrent chez eux n’augure rien de bon.

— Écoute, ma douce mésange. Notre ami Benoit, le casse-noix, m’a rapporté une information incroyable. Les Humains sont confinés et ce n’est pas près de s’arrêter ! Ils ont abandonné la partie. Ils nous rendent notre Nature, et pour ainsi dire notre liberté. N’est-ce pas formidable ?

Ange n’a pas le temps de répondre que Paulette intervient.

— Ça n’a rien à voir, Matthieu… Les Humains ne renonceront jamais, peu importe les raisons. Non, le problème vient d’un virus…

— Un virus ? Mon Dieu, mais c’est affreux ! s’exclame Ange terrorisée.

Matthieu lance un regard assassin à la chouette. Pourquoi veut-elle effrayer sa dulcinée en lui mettant des horreurs en tête ?

— Ceux qui restent chez eux ne sont pas malades. Justement, ils s’isolent pour ne pas le devenir.

— Le virus est-il dehors ? Courrons-nous un danger ? Que va-t-il se passer ? demande précipitamment la mésange de plus en plus inquiète.

Paulette lâche un « poupoupou » mélancolique, signe qu’elle n’ajoutera rien de plus pertinent.

Matthieu saisit l’occasion pour argumenter auprès de sa belle.

— Est-ce que tu t’imagines que les Humains pensaient à nous quand ils ont abattu la rangée d’arbres près de l’église ? Crois-tu qu’ils ressentent de la pitié pour nous en épandant des insecticides sur notre nourriture ?

Matthieu se pose sur une branche à côté d’Ange et secoue sa petite tête bleue d’un air résigné. Cette empathie l’agace. Il déteste l’humanité et sa manière déplorable de se comporter envers les autres espèces.

— Je ne sais pas… C’est vrai que parfois ils sont cruels…

— Tout le temps ! Pour une fois que la Nature se retourne contre eux, ne nous plaignons pas et profitons-en !

Rossignol
Anatole, le Rossignol revient d’un long voyage…

C’est ce moment que choisit Anatole, le rossignol, pour se poser près d’eux.

— Bonjour les amis ! Je rentre ce matin du sud. Comment allez-vous ?

Ange le serre contre son poitrail pour lui souhaiter la bienvenue.

— Il m’est arrivé une chose incroyable cette année. J’ai parcouru la route d’une traite ! L’air était si pur !

— C’est parce que les Humains sont à l’arrêt ! Ils ne polluent plus et l’atmosphère redevient respirable, explique Matthieu avec enthousiasme.

Ange n’a rien constaté de tel, mais peut-être que c’est vrai. À l’approche de sa période de nidification, ses futurs petits et la nourriture qu’elle espère trouver pour eux occupent toutes ses pensées. L’an passé, les insectes étaient rares et certains de ses oisillons n’ont pas survécu. Tandis qu’une larme glisse sur sa joue, les paroles de Matthieu cheminent dans sa petite tête bleue.

— Incroyable ! Mais tu as raison ! s’exclame Anatole en se donnant un coup de patte sur le front. Tandis que je traversais le pays, quelque chose me turlupinait. C’était ça : le silence ! Où sont-ils donc tous passés ?

— Ils sont confinés chez eux à cause d’un virus mortel qui viendrait de Chine. Je tiens cette information de source sûre… assure Matthieu, l’œil brillant d’excitation.

— C’est affreux… pour eux… complète Anatole que la situation laisse perplexe.

Il repense à son agréable voyage. Cette pureté de l’air… Ce calme… Mais il s’interroge : que va-t-il advenir des Humains ?

— Bon, on s’installe dans le chêne ? C’est notre seule chance de profiter d’un logement luxueux, reprend Matthieu dont les préoccupations sont ailleurs.

Ange hésite. Son esprit est maintenant accaparé par cette nouvelle insensée. Elle voudrait partager l’enthousiasme de ses amis, mais le cœur n’y est pas. Elle aime les Humains, car ils lui ont sauvé la vie. Une adorable fillette l’a recueillie lorsqu’elle a percuté une baie. Cette anecdote agace Matthieu qui argumente que sans eux, les vitres n’existeraient pas. Certes, il a raison, mais toutes les espèces ne sont-elles pas nécessaires pour composer le Monde ? Quoi qu’il en soit, cette petite fille lui a prodigué des soins jusqu’à ce que son aile aille suffisamment mieux pour qu’elle puisse repartir. Elle l’a également protégée du chat de la famille. Les Humains ne représentent pas la seule menace pour les oiseaux, mais à ça, Matthieu fait la sourde oreille.

— Penses-tu que les enfants reviendront bientôt ? Insiste la mésange.

— Je n’en sais rien… Leurs cris incessants te manquent-ils ? Les bavardages assourdissants des parents aussi ? Ou encore les moteurs de voitures qui tournent tandis que nous respirons ces gaz qui nous étouffent ? Pourquoi te soucier d’eux ?

Paulette tousse en secouant la tête.

— Quoi ?

— Tu es comme ces Humains que tu détestes, aucune demi-mesure ! Ange a raison, certains nous respectent et nous devons partager l’espace avec eux.

— Et eux, pensent-ils à nous ? fulmine Matthieu devant l’ignorance de ses amis.

— Oui, certains ! Peut-être que cette mauvaise aventure les aura fait réfléchir ? tente Ange en guise d’apaisement.

Paulette intervient.

— La petite a raison. Je les observe. Avant, le père rentrait très tard, lorsque les enfants étaient déjà endormis. La mère n’en finissait pas de courir et semblait stressée et agacée. Maintenant, ils partagent des moments en famille. Les premiers soirs, ils avaient l’air étrange, un peu perdus. Les jours ont passé et maintenant la promiscuité réussit à cette famille. Des rires fusent parfois autour du dîner ou pendant que les parents couchent les enfants. Peut-être mettent-ils à profit le temps octroyé par ce malheur pour réfléchir à ce qui compte vraiment…

Ange sourit.

— Tu crois, Paulette ?

— J’espère ma petite… En attendant, profitons du répit qu’ils nous accordent pour savourer la nature comme nous ne l’avons jamais connue. Nous verrons après…

Confinés dans un nid douillet
En attendant la fin du confinement, la Nature profite et célèbre la vie

Ange regarde Matthieu et Anatole qui parlementent maintenant au sujet de la manière d’agencer solidement les brindilles d’un nid. Paulette a raison.

Célébrons la vie tant que nous le pouvons et pour l’heure, Matthieu et elle ont besoin de se confiner pour fêter d’ici quelques semaines un heureux évènement… Une naissance.

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